"La performance et la barbarie sont si étroitement mêlés dans la culture que seule une ascèse barbare à l’encontre de la culture et de ses matrices permet d’entrevoir l’autre face du monde. "
Inakomyliachtchi
"L’esthétique – comme dimension du symbolique devenue à la fois arme et théâtre de la guerre économique – substitue le conditionnement des hypermasses à l’expérience sensible des individus psychiques ou sociaux. L’hypersynchronisation conduit à la perte d’individuation par l’homogénéisation des passés individuels, en ruinant le narcissisme primordial et le processus d’individuation psychique et collective : ce qui permettait la distinction du je et du nous, désormais confondus dans l’infirmité symbolique d’un on amorphe."
Bernard Stiegler
"Maintenant l’homme normal sait que sa conscience devait s’ouvrir à ce qui l’avait le plus violemment révolté :
ce qui, le plus violemment, nous révolte, est en nous."
Georges Bataille

« Partout où règne le spectacle, les seules forces organisées sont celles qui veulent le spectacle. Aucune ne peut donc plus être ennemie de ce qui existe, ni transgresser l’omerta qui concerne tout. »
Guy DEBORD
«Est-ce que la proposition honnête et modeste d’étrangler le dernier jésuite avec les boyaux du dernier janséniste ne pourrait amener les choses à quelque conciliation ?»
Lettre du curé Jean Meslier à Claude-Adrien Helvétius, 11 mai 1671.


« Nous supposons également que l’art ne peut pas être compris au travers de l’intellect, mais qu’il est ressenti au travers d’une émotion présentant quelque analogie avec la foi religieuse ou l’attraction sexuelle – un écho esthétique. Le goût donne un sentiment sensuel, pas une émotion esthétique. Le goût présuppose un spectateur autoritaire qui impose ce qu’il aime ou ce qu’il n’aime pas, et traduit en « beau » et « laid » ce qu’il ressent comme plaisant ou déplaisant. De manière complètement différente, la « victime » de l’écho esthétique est dans une position comparable à celle d’un homme amoureux, ou d’un croyant, qui rejette spontanément les exigences de son ego et qui, désormais sans appui, se soumet à une contrainte agréable et mystérieuse. En exerçant son goût, il adopte une attitude d’autorité ; alors que touché par la révélation esthétique, le même homme, sur un mode quasi extatique, devient réceptif et humble. »
Marcel DUCHAMP

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mercredi 21 mars 2012

La culture comme pharmakon

La vie comme culture.
Parce qu'au delà de ce qu'il cultive, du produit qu'il prend de la terre, le paysan "sait" que ce qu'il cultive c'est d'abord la vie. Voilà ce que nous avons oublié, oblitéré par le principe de mort du profit.

Critique de la culture.
La contradiction immanente, entre le pessimisme culturel de la bourgeoisie cultivée et l’optimisme culturel postmoderne-technologique, constitue en réalité les deux faces de la même médaille. Le culte de la superficialité et le culte du sentiment intime sont complémentaires. Des deux côtés, on dénie l’approbation, dépourvue de tout contenu, de la condition capitaliste de la culture. Pour comprendre ce qui les lie, la vieille analyse d’Adorno et d’Horkheimer, en dépit de son déficit politique et économique, procure toujours davantage d’éléments que ne le prétend la gauche pop, qui elle-même, entre temps, a bien vieilli. Et même, elle est valable pour comprendre la mutation de l’Intenet devenu "réalisation grinçante du rêve wagnérien d’une oeuvre d’art totale", surtout depuis l’„interactivité“ technologique du web 2.0.

Les modes d'accomplissement de la vie ne sont plus intégrés au projet général d'une culture qui les prennent eux-mêmes pour but. Mais subordonnés à cette saleté de principe du profit, ils s'inscrivent dans la culture qui va avec, d'extinction de la vie, d'involution des affects. C'est de cette culture de mort que vient le besoin de soin, de réparation: pour une culture qui serve la vie, qui redevienne un savoir de la vie, et non un adjuvant à la circulation des marchandises, un stimulateur à débouchés -délire improbable d'un capitalisme en fin de cycle. Encore faut-il que le soin ne soit pas une prolongation du moribond mais sa subversion, de la "grande santé" nietzschéenne.
Nietzsche contre Wagner. Ou la vérité du mystère comme poison éternel contre la transparence totalitaire.

dimanche 18 mars 2012

Aux gens de la Commune, poème de Victor Hugo - 141° Anniversaire de la Commune de Paris (situation de transhumance)

Qu’est-ce que Dieu fera de ces athées ?

Oh ! ceux-là, ces porteurs d’âmes à leur insu,

Ces donnant qui n’ont pas demandé de reçu,

Ces prêteurs qui croyaient la banqueroute sûre,

Ces désintéressés qui n’ont point fait l’usure

Des bonnes actions, ni à Dieux maudis !

Ni vendu du martyre au poids du paradis ;

Ces aveugles marchant au but dans les problèmes,

Ces ténébreux sacrés par les ténèbres mêmes,

Ces passants qui, saignant, sans compter sur quelqu’un,

Tristes, ont fait le bien rien que pour son parfum,

Ces graves orphelins qui se sont montrés père,

Ces croyants de la nuit qui furent des lumières,

Ces souffrants qui vivaient offrant le bon, le beau,

Le sublime, à la cendre horrible du tombeau,

Ces purs entres les purs, ces héros ! il est juste

Que la tombe leur soit une surprise auguste,

Que leur punition soit de venir dieux,

Que ces désespérés, tout à coup radieux,

Se courbent en criant : Quoi ! cela recommence !

Sous l’éblouissement de la lumière immense,

Et que l’aube suprême éblouisse leurs yeux !

Dieu doit à de tels saints l’étonnement des cieux.

mercredi 8 février 2012

La culture au futur antérieur

source : Libération

Internet a offert une manne
d’infos et d’archives  et bouleversé la créativité. Avec «Rétromania», 
le journaliste Simon Reynolds plonge dans la culture des années 2000,
ultraconnectée au passé.

Comment construire le futur quand le passé se
 mêle en permanence au présent ? Cette interrogation n’est pas inédite,
de même que la nostalgie de la culture des décennies passées a fait
l’objet d’études plus ou moins savantes. Pourquoi alors nous
reposons-nous la question ? Parce que Rétromania, qui vient de
paraître, nous est apparu d’emblée comme un livre important, de ceux qui
 définissent une époque. Il est une habile traversée des années 2000,
décennie où la culture a été transfigurée par Internet jusque dans ses
moindres recoins.

Instantanéité des échanges, YouTube, téléchargement puis streaming
 audio et vidéo, remix permanent… Plus qu’un regret du «bon vieux
temps», c’est davantage un sentiment de trop-plein, une omniprésence de
l’archive imposée par Internet à la première décennie ultraconnectée,
qu’analyse son auteur. Collaborateur de grands quotidiens (The Guardian, The New York Times…) et de magazines (Wire…), Simon Reynolds  a également écrit un livre de référence sur les années qui ont suivi le séisme punk : Rip it up and Start Again.


Jamais notre quotidien n’a été autant envahi de références à des
époques révolues, au point où les arts, même les plus prospectifs, se
retrouvent tétanisés et commencent enfin à s’interroger. Dans son
ouvrage largement centré sur la musique, mais qui pose des questions à
tous les champs artistiques, l’auteur, 48 ans, mêle réflexions et
constatations pour raconter un quotidien qui fut aussi le nôtre pendant
les années 2000. Un émerveillement extatique devant des disques, films,
séries auparavant livrés au compte-gouttes, qui s’offrent aujourd’hui
sans limite.


Vous écrivez que la création est affectée car le passé envahit le présent par une archive exponentielle et omniprésente.

Les groupes d’aujourd’hui sont composés de jeunes gens qui ont grandi
 avec Internet et cet accès gratuit à toute la musique, à travers le
téléchargement et YouTube. A 21 ans, ils ont écouté bien plus de musique
 que moi au même âge (en 1984). C’était tout bonnement impossible alors,
 ça coûtait de l’argent, et même si vous pouviez emprunter des disques à
 des amis ou à la médiathèque, il y avait des limites. Désormais, les
gens semblent avoir écouté des genres de musique extrêmement divers. Le
passé, comme inspiration, entre alors en concurrence avec le présent. A
des époques plus anciennes, ils étaient davantage concernés par ce
présent.


Dans les années 60, la plupart des groupes de rock réagissaient à ce
qui se passait dans la musique noire du moment. Quand ils s’ouvraient à
d’autres influences, c’était celles de la récente avant-garde jazz
(comme Coltrane) ou électronique (Stockhausen). Il y avait très peu
d’inspiration non contemporaine. A mesure que le temps passe, l’appel de
 l’archive s’est fait de plus en plus intense, puis tout s’est détraqué
lorsque l’Internet haut débit a décollé. L’aspect négatif, c’est que
beaucoup de groupes tentent de copier le passé. Le positif, c’est que
certains artistes s’abreuvent de toute l’histoire de la musique, de
partout dans le monde, et créent des «super-hybrides», à l’instar de
Vampire Weekend, Rustie, Gang Gang Dance. Mais il faut être un artiste
solide pour filtrer cette surabondance d’influences.







Comment expliquez-vous ce goût pour la musique du passé ?

Pour certains, c’est juste qu’il y a eu beaucoup de musique géniale
dans les années 60, 70, 80. Pourquoi ne l’écouteraient-ils pas ? Il y a
aussi beaucoup de romantisme attaché à certaines périodes en particulier
 : le psychédélisme, le punk-rock, le hip-hop des débuts. Ou pour ceux
qui aiment la dance music, les premiers soubresauts de la house de
Chicago, la techno de Detroit et la scène rave du début des années 90,
c’était vraiment des périodes excitantes. Elles avaient ce côté vierge
et correspondaient à de vrais mouvements, avec un look, un jargon et des
 rituels subculturels. […] Difficile d’en vouloir aux jeunes d’être sous
 le charme de cet âge d’or perdu. L’existence digitale peut être assez
solitaire et aliénante. […] On est constamment connecté, à jongler avec
les différents flux de stimuli. En réaction, les formats analogiques [le vinyle par exemple, ndlr] ont l’air d’aller de pair avec une forme d’expérience plus immersive, plus concentrée. Un meilleur type de flux.







Vous utilisez le terme «hauntology» pour qualifier un style musical créé durant les années 2000 et qui semble se languir d’une période révolue…

Le terme est de Jacques Derrida, mais le jeu de mots fonctionne mieux
 en français : hantologie-ontologie. Derrida explorait les résonances
philosophiques du concept de fantôme, qui n’est jamais ni présent ni
absent, jamais totalement dans le présent ni cantonné au passé. L’usage
que j’en fais n’est pas strictement derridien, c’est plutôt un mot utile
 et amusant pour décrire un tas de groupes qui travaillent avec cette
mémoire culturelle. Le fait que la maison de disques le plus
emblématique de cette scène s’appelle Ghost Box [«boîte à fantôme»],
 un jeu de mots sur la dimension spectrale de la télévision, m’a fait
penser à l’hantologie. Leur musique est étrange et souvent sans formes,
évoquant quelque chose de fantômatique et d’inquiétant.


Aux Etats-Unis, il y a aussi un genre de musique qui s’accommode de
ce concept : des artistes comme Oneohtrix Point Never, James Ferraro,
explorent les dépôts sédimentés de vidéos, de musiques et de vieilles
émissions de télé. Une part importante de la musique intéressante de ces
 cinq ou six dernières années est basée sur cette émotion paradoxale
consistant à rappeler un passé où l’humanité regardait devant elle.
Derrida peut être déclaré saint patron de ce genre de musique, parce
qu’il a également écrit sur le «mal d’archive».







Cette fascination pour le spectral traverse également les arts numériques ?

L’hauntology a un lien clair avec les courants culturels qui
 se frottent au fétichisme, aux médias morts et aux formats vétustes, de
 même qu’avec l’esthétique du flou et du lo-fi. Je pense que tous ces
courants peuvent être vus comme une même contre-culture opposée à
l’hyperconsommation et à ce monde numérique bourdonnant, fait d’images
haute définition et de connexions super rapides. Cependant, dans la
mode, le vintage chic est aussi une forme de consumérisme. Je suis sûr
que Pierre Bourdieu aurait eu quelque chose à dire sur les vecteurs de
classes qui se cachent dans ce genre de goût.







Les nouvelles technologies ont bouleversé la manière dont la musique
 est produite, distribuée et consommée. Mais quid de la musique
elle-même ?

Il ne me semble pas qu’elle ait changé tant que cela. En 2012, le rap
 et le R’n’B ne sont pas très différents du rap et du R’n’B de 1999. Ni
leur structure rythmique, ni la manière de rapper ou de chanter, ni même
 en termes de contenu ou du type de personnalités qui deviennent des
stars. La musique électronique a été légèrement plus inventive, mais
même des courants comme le dubstep ne me semblent qu’une extension des
années 90, démarrées avec la rave et qui se sont poursuivies avec la
jungle et la drum’n’bass. Le grime, qui m’excitait beaucoup au début de
la décennie 2000, est devenu plus ou moins statique depuis 2005. Il y a
plein d’énergie et de différences subtiles dans le champ des musiques
électroniques, mais pas autant que les avancées immenses et les
tangentes mutantes apparues à la fin des années 80 et 90 […].


Le remix et le mashup - qui consistent à mêler dans un seul morceau
une multitude d’éléments samplés dans d’autres préexistants - ne
sont-ils pas la quintessence de ces dernières années ?

Comme phénomène, le mashup semble en effet en lien avec l’âge de la
musique numérique et de la surcharge pop. Mais quelque chose qui y
ressemblait fort était déjà expérimenté par des DJs à la fin des
années 80 - comme Bomb the Bass, Coldcut, Norman Cook [alias Fatboy Slim, ndlr]
 avec son projet Beats International - et aussi dans l’avant-garde par
des figures comme John Oswald avec son projet Plunderphonics. Ces DJs
utilisaient le sampling, mais les collages de type mashup existaient
bien avant.


Un pionnier de la musique concrète comme Bernard Parmegiani a fait
quelques pièces à partir de musique pop. L’idée d’un disque réalisé
entièrement à partir de morceaux d’autres disques n’a pas été inventée
par les producteurs de mashup comme Girl Talk. Toutefois, la technologie
 a grandement facilité sa production et sa distribution sur le Net.




samedi 28 janvier 2012

«La Poussière du temps»


Theo Angelopoulos
La nouvelle fut énorme et brusque. Theodoros Angelopoulos a été grièvement blesse mardi soir, puis décédé, à la suite de ses blessures. Lors du tournage; au tournant de notre crise, peut-être bien même, à cause d'elle. Pour une fois, et pour une fois seulement, notre dette globale s'est effacée au profit de notre dette envers lui. La plupart des grecs ignoraient son cinéma dans le sens où ils le trouvaient «élitiste et ennuyeux», à tort je pense, mais cela s'explique. D'abord son regard plus largement balkanique et européen dans un sens, dérangeait à la fois les ignorances et les stéréotypes du lifestyle des dernières décennies. Mais de toute façon, sa disparition a été ressentie comme une perte pour tout le monde ici.

jeudi 17 novembre 2011

fashionisme= le fachisme + la vaseline

« Il n'est pas dépourvu d'importance que nous soyons presque toujours inconscients de la tendance de nos changements d'état. Une fable quasi-scientifique raconte que, si vous arrivez à faire asseoir tranquillement une grenouille dans une casserole contenant de l'eau froide et que vous augmentez la température très lentement et progressivement, de manière qu'aucun moment ne soit marqué comme celui où elle devrait bondir dehors, eh bien, elle ne sautera jamais. Elle cuira. L'espèce humaine, qui change son propre environnement en augmentant progressivement la pollution et se dégrade l'esprit en détériorant lentement la religion, l'éducation, se trouve-t-elle assise dans une telle casserole ? »

Gregory BATESON


Chez l'homme, le codage est forcément limité en raison du langage articulé, qui n'est qu'un médiat entre l'esprit et le sensible. Entre plusieurs choix analytiques, l'esprit humain préfère se ranger au principe dit du rasoir d'Occam : la complexité est évacuée au profit de l'hypothèse la plus simple. Le cerveau ignore le médiat et entraîne des réactions irrationnelles. Et dans la nature comme dans la pensée, il existe un seuil perceptif minimal de la variation propre à tout organisme, en-deçà duquel tout changement est imperceptible ; l'organisme s'habitue, s'accoutume. Parfois, note Gregory Bateson, l'esprit humain ne détecte plus la variation. Le distinguo entre changement lent et état est difficile voire aboli. Dans la post-modernité, les aliénés ne perçoivent que peu les changements les plus bouleversants, puisque le changement en est le mode de fonctionnement. En outre, le processus mental requiert une énergétique, il reçoit des stimuli. Mais une information dont le codage n'est pas perçu coupe toute stimulation énergétique chez le sujet récepteur, ou en annihile la réactivité. Et un petit coup de tittytainment pour la consocratie béate plus tard, nous sommes en 2011.
Cet accompagnement dans la conduite du changement est particulièrement efficace lorsque les membres d'un système sont conformistes et permettent d'en assurer la cohérence interne, via la reproductibilité de ce système. Dans l'homogénéité, une séquence divergente (un comportement) a donc de grandes chances d'être imprévisible, en raison des impacts mutuels des particules constitutives de ce système (le mouvement brownien). Mais à un niveau (type logique) supérieur, l'hypothèse dite de Russell dépasse l'individu pour considérer d' « immenses foules ou classes d'individus ». Il entend déterminer les lois qui feront obstacle à la stochastique, par la qualité de la nouveauté et la limitation du potentiel de divergence. L'hypothèse est vérifiable après le passage de nos ingénieurs sociaux. Par ailleurs, tout changement – dans la nature comme dans la pensée – nécessite de l'information. Mais la « matrice réceptrice » doit être propice à la réception de cette information, sous peine d'imperméabilité au changement, en particulier si les propositions sont déformées par le système de codage (trop) profondément implanté chez le sujet. D'où l'emploi d'un côté de la stratégie du choc (voir Naomi Klein), et de l'autre l'incapacité patente des gens à ouvrir les yeux sur l'urgence d'une troisième voie.
Tout système doit son équilibre et sa pérennité à une régulation correcte, qui passe par une « valeur » optimale (dite métavaleur, située au niveau moyen de l'éventail), un seuil au-delà ou en-deçà duquel sa survie est menacée. Trop de séquences convergentes comme divergentes représentent un risque mortel pour sa survie. Changement et intolérance sont ainsi en constante interaction : « Le changement d'une variable met en évidence la valeur critique de l'autre. » Il en découle que la vie – au sens large – est faite de changements, mais que certaines constantes sont nécessaires (des éléments conservateurs, pour faire tiquer les progressistes). Pour reprendre Bateson et son exemple du funambule sur la corde raide : de petits coups de vents ou des vibrations de la corde ne le feront pas chuter, mais l'intensité dans ces variations doit rester minime pour ne pas provoquer sa chute. En cela, le totalitarisme du mondialisme est amené à mourir de lui-même (aidons-le malgré tout) puisque c'est la confrontation d'informations distinctes qui permet d'opérer une différence qui produira l'information. Ce croisement de variables est infini, et les cas multiples, dans ce que Bateson nomme ces « versions multiples du monde » : battement et moiré, les deux sexes, les langages synonymes, la sommation synaptique (l'action conjuguée des neurones A et B permet d'activer le neurone C), la vision binoculaire, etc.. L'échange d'informations est biaisé dans un système où les éléments divergents sont toujours plus nombreux et toujours plus ignorés, dans la maladie comme en société : mal décodée, l'information n'influe pas correctement sur le comportement des élites. La rétroaction est inopérante, et aucune différence d'information n'est produite puisqu'il n'y a pas de relation. 
Le problème est que les comportements individuels comme collectifs sont le produit de causalités circulaires. Dans les relations (d'un point de vue structuraliste), une différence se produit entre deux éléments en interaction. (1) Celle-ci peut être symétrique (à probabilité mimétique, compétition, rivalité, émulation mutuelle, etc.) ou complémentaire (différent mais adaptation de l'une à l'autre : domination-soumission, dépendance-assistance). Dans les deux cas, on assiste à une escalade progressive dans les relations, que Bateson a nommée la schismogenèse. Celle-ci peut conduire à l'emballement puis à la rupture du système. (2) Seule une combinaison des deux annule la tension. Le circuit correcteur, pour pallier la défaillance, ne doit pas concerner qu'un secteur du système (parlons au choix d'un nœud borroméen ou d'une complémentarité des classes). En effet, les variables affectent le système entier à travers le temps. Suivant l'influence de l'information transmise et la production de différence qui en résulte, le système peut en être affecté voir modifié, et donc survivre ou mourir. Tout dépend de la force du mécanisme autocorrecteur systémique.

Quant à l'information, comment la décoder correctement ? L'esprit récepteur doit s'informer sur elle en décodant des métamessages (des messages sur les messages). Cela va de soi, la signification du code varie selon ce code et la relation entre l'émetteur et le récepteur, ce qui peut aboutir à la schizophrénie, via ce que Bateson a théorisé sous le nom de double bind (double contrainte). Il s'agit de l'injonction paradoxale : « Sois libre », « Désobéis », etc. A défaut de pouvoir agencer les types logiques, l'homme atteint de double bind serait incapable, à l'instar du chien de Pavlov, de discriminer les indicateurs de contexte. Inapte à la logique, il rallierait alors les explications surnaturelles (ou la pensée magique ?). En fin de compte, l'esprit meurt lorsqu'il ne décode plus les boucles porteuses d'information. Il perd alors toute autonomie, c'est-à-dire le contrôle de soi.

Cette dernière citation de Bateson confirmera une fois de plus que le système libéral, avec ses sacro-saints Marché et Droit, sa fuite en avant, son refus de l'éthique et d'une philosophie est tout bonnement l'Anti-Vie par excellence : « Un monde de sens, d'organisation et de communication n'est pas concevable sans discontinuité, sans seuil. Si les organes sensoriels ne peuvent recevoir de nouvelles que de la différence, si les neurones ou bien sont excités ou bien ne le sont pas, alors le seuil devient nécessairement un aspect de la façon dont est assemblé le monde vivant et mental. »

(1) D'après Bateson, les contextes de la vie s'apprennent par la relation externe entre au moins deux individus. Une relation est donc toujours le produit d'une double description. Elle est une double vision (Watzlawick dirait qu'elle recouvre deux réalités), et elle influence le comportement de chacun. De ce fait, la relation précède toujours les changements de comportement. La « fierté » d'un groupe, par exemple, ne se définit par exemple que par rapport à un autre groupe. Tout fonctionne sur des structures d'échange, des combinaisons de double description. Ainsi, la compréhension du comportement donne un nouveau type logique d'apprentissage.

(2) L'unité d'interaction minimale, lit-on, est constituée de trois éléments : stimulus, réponse, renforcement.

mercredi 16 novembre 2011

MORT DE LA NUIT (situation de transhumance)

Pasolini, neuf mois avant d'être retrouvé assassiné sur une plage écrivait dans son carnet : "Au début des années soixante, à cause de la pollution atmosphérique et, surtout, à la campagne, à cause de la pollution de l’eau (fleuves d’azur et canaux limpides), les lucioles ont commencé à disparaître. Cela a été un phénomène foudroyant et fulgurant. Après quelques années, il n’y avait plus de lucioles. (Aujourd’hui, c’est un souvenir quelque peu poignant du passé : un homme de naguère qui a un tel souvenir ne peut se retrouver jeune dans les nouveaux jeunes, et ne peut donc plus avoir les beaux regrets d’autrefois.)"


La nuit ne devient pas plus noire avec la disparition des lucioles ; 
au contraire, elle progresse en clarté.

"Déjà, la nuit se perd. Nous ne pouvons même plus savoir ce qu’elle a été. Il n’y a plus en France, sauf en Lozère peut-être, un seul endroit assez éloigné des villes et du faisceau de leurs lumières pour que la nuit y soit encore ce qu’elle a été dans l’expérience des poètes et des mystiques, et pour que les étoiles soient lisibles comme elles l’ont été pour toutes les générations avant nous. La Voie lactée a presque disparu. Dans les cités où vivent la grande majorité d’entre nous, on n’a plus aucune idée de ce que pouvaient être les constellations. Le ciel est lettre morte. Dans un monde sans absence, sans écart avec lui-même, constamment éclairé, sans frontière, sans ailleurs, sans étrangèreté, pareil au même, c’est toute la grande lyrique occidentale, mais universelle aussi bien, qui s’effondre et dont la haute consolation perd avec tout référent toute portée. Tout se passe comme s’il n’y avait pour l’homme, sur la terre, qu’une quantité constante d’humanité ; et plus l’homme est nombreux moins il s’en trouve pour chacun, moins il a lieu, matière, espace et raison d’être homme." (Renaud Camus, Du sens)

Oui, la nuit devient plus claire et plus insignifante.

jeudi 22 septembre 2011

INTIMA DYSTOPIA (REDUX)

La temporalité de l’intimité (la mienne en l’occurrence) se vit dans les limbes, écrasée ou empêchée d’exister ailleurs, se déployer lui est devenu impossible. 
 
Lorsqu’elle prend conscience d’elle même c’est de son enveloppe cabossée qu’elle se saisit, bombardée, irradiée qu’elle a été. 
Et ce qui se donne alors comme atmosphère est à la fois viciée et raréfiée. C’est un air qui fait mal, et l’on préfère fermer la porte et retourner au blockhaus du Spectacle, Là OÙ n'est pas, là ou l’on glisse comme des limandes sur un plan de travail.
 
LE SPECTACLE BOMBARDE. CULTIVÉ, ARRACHÉ, MÉCANISÉ, EXPLOITÉ, LE SOMA EST COMPACTÉ. SOUMIS AU FEU PERPÉTUEL DE SA SEULE DIMENSION. LA CROUTE DE BATTANCE SE FORME.  ELLE NOUS ENDURCI LE CRÂNE CAR C'EST AUSSI UN CROUTE D'INDIFFERENCE, ET D'UNE CERTAINE MANIÈRE UNE PROTECTION POUR FAIRE FACE À LA SATURATION. MAIS C'EST UNE COUCHE QUI SIGNIFIE RARÉFACTION EN SOI-MÊME. IL N'Y A QUE LE PLUS GROSSIER, LE PLUS INSTRUMENTALE QUI PUISSE ENCORE RETOURNER CETTE MOTTE D'ESPRIT QU'EST DEVENU MA CONSCIENCE. ET MON INTIME RUISSELLE, RAVINE,  DISPARAÎT, ÉRODÉ.

samedi 6 août 2011

SITUATION DE TRANSHUMANCE

INTIMA DYSTOPIA

La temporalité de l’intimité (la mienne en l’occurrence) se vit dans les limbes, écrasée ou empêchée d’exister ailleurs, se déployer lui est devenu impossible. Lorsqu’elle prend conscience d’elle même c’est de son enveloppe cabossée qu’elle se saisit, bombardée, irradiée qu’elle a été. Et ce qui se donne alors comme atmosphère est à la fois viciée et raréfiée. C’est un air qui fait mal, et l’on préfère fermer la porte et retourner au blockhaus du Spectacle, Là OÙ n'est pas, là ou l’on glisse comme des limandes sur un plan de travail.

vendredi 27 mai 2011

SITUATION DE TRANSHUMANCE (BRASSER LE SANG DU SPECTACLE)

C'EST LA CHAIR QUI PENSE. 

À TRAVERS LA FAMILIARITÉ AVEC LE MYSTÈRE, JE PRÈTE MA CHAIR AU MONDE. 
À  L'IMAGE DE DIONYSOS, C'EST LE MONDE QUE J'INCARNE DE MA CHAIR DISPERSÉE. 
L'INCARNATION DU MONDE CONCILIE AUTANT UN RAPPPORT AU MONDE, DUALISTE, TRANSCENDANT, QUE MONISTE OU IMMANENT. IL S'AGIT D'ILLUSIONS CONVENUES MAIS INCARNÉES.
QU'ELLES SOIENT CONVENUES OU PAS N'AURAI D'AILLEURS AUCUN D'INTÉRÊT. 
LES DÉFINITIONS SONT À REJETER. 

C'EST MA MATIÈRE -LA MATIÈRE VÉCUE- QUI S'IMPOSE.

samedi 26 février 2011

Pier Paolo Pasolini, Empirisme hérétique


Pier Paolo Pasolini, Empirisme hérétique
envoyé par forumdesimages. - Court métrage, documentaire et bande annonce.
 
Pier Paolo Pasolini, Empirisme hérétique : Le cinéma de poésie et autres essais
présenté par Hervé Joubert-Laurencin

Professeur d’études cinématographiques à l’université d’Amiens, Hervé Joubert-Laurencin est spécialiste de Bazin, de Pasolini et du cinéma d’animation. Ses recherches actuelles portent sur la théorie et l’histoire de la critique de cinéma.
Ni sémiologique, ni linguistique, ni néo-bazinienne, ni néoréaliste, la théorie du cinéma de Pasolini, singulière et novatrice, réactive au cinéma la distinction prose-poésie et le style indirect libre, dont seul Gilles Deleuze a su faire un usage sérieux. Le concept inédit “d’intégration figurale”, d’inspiration auerbachienne, celui “d’inexprimé existant”, et le motif de la mort violente la parcourt. Straub, Chaplin et Kennedy assassiné la traversent.