Pasolini, neuf mois avant d'être retrouvé assassiné sur une plage écrivait dans son carnet : "Au
début des années soixante, à cause de la pollution
atmosphérique et, surtout, à la campagne, à cause de la pollution de
l’eau (fleuves d’azur et canaux limpides), les lucioles ont commencé à
disparaître. Cela a été un phénomène foudroyant et
fulgurant. Après quelques années, il n’y avait plus de lucioles.
(Aujourd’hui, c’est un souvenir quelque peu poignant du passé : un homme
de naguère qui a un tel souvenir ne peut se retrouver
jeune dans les nouveaux jeunes, et ne peut donc plus avoir les beaux
regrets d’autrefois.)"
La nuit ne devient pas plus noire avec la disparition des lucioles ;
La nuit ne devient pas plus noire avec la disparition des lucioles ;
au contraire, elle progresse en clarté.
"Déjà, la nuit se perd. Nous ne pouvons même plus savoir ce qu’elle a été. Il n’y a plus en France, sauf en Lozère peut-être, un seul endroit assez éloigné des villes et du faisceau de leurs lumières pour que la nuit y soit encore ce qu’elle a été dans l’expérience des poètes et des mystiques, et pour que les étoiles soient lisibles comme elles l’ont été pour toutes les générations avant nous. La Voie lactée a presque disparu. Dans les cités où vivent la grande majorité d’entre nous, on n’a plus aucune idée de ce que pouvaient être les constellations. Le ciel est lettre morte. Dans un monde sans absence, sans écart avec lui-même, constamment éclairé, sans frontière, sans ailleurs, sans étrangèreté, pareil au même, c’est toute la grande lyrique occidentale, mais universelle aussi bien, qui s’effondre et dont la haute consolation perd avec tout référent toute portée. Tout se passe comme s’il n’y avait pour l’homme, sur la terre, qu’une quantité constante d’humanité ; et plus l’homme est nombreux moins il s’en trouve pour chacun, moins il a lieu, matière, espace et raison d’être homme." (Renaud Camus, Du sens)
Oui, la nuit devient plus claire et plus insignifante.
"Déjà, la nuit se perd. Nous ne pouvons même plus savoir ce qu’elle a été. Il n’y a plus en France, sauf en Lozère peut-être, un seul endroit assez éloigné des villes et du faisceau de leurs lumières pour que la nuit y soit encore ce qu’elle a été dans l’expérience des poètes et des mystiques, et pour que les étoiles soient lisibles comme elles l’ont été pour toutes les générations avant nous. La Voie lactée a presque disparu. Dans les cités où vivent la grande majorité d’entre nous, on n’a plus aucune idée de ce que pouvaient être les constellations. Le ciel est lettre morte. Dans un monde sans absence, sans écart avec lui-même, constamment éclairé, sans frontière, sans ailleurs, sans étrangèreté, pareil au même, c’est toute la grande lyrique occidentale, mais universelle aussi bien, qui s’effondre et dont la haute consolation perd avec tout référent toute portée. Tout se passe comme s’il n’y avait pour l’homme, sur la terre, qu’une quantité constante d’humanité ; et plus l’homme est nombreux moins il s’en trouve pour chacun, moins il a lieu, matière, espace et raison d’être homme." (Renaud Camus, Du sens)
Oui, la nuit devient plus claire et plus insignifante.
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