Source: Greek crisis now
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Theo Angelopoulos |
La
nouvelle fut énorme et brusque. Theodoros Angelopoulos a été grièvement
blesse mardi soir, puis décédé, à la suite de ses blessures. Lors du
tournage; au tournant de notre crise, peut-être bien même, à cause
d'elle. Pour une fois, et pour une fois seulement, notre dette globale
s'est effacée au profit de notre dette envers lui. La plupart des grecs
ignoraient son cinéma dans le sens où ils le trouvaient «élitiste et
ennuyeux», à tort je pense, mais cela s'explique. D'abord son regard
plus largement balkanique et européen dans un sens, dérangeait à la fois
les ignorances et les stéréotypes du lifestyle des dernières décennies. Mais de toute façon, sa disparition a été ressentie comme une perte pour tout le monde ici.
Le décès de Theodoros Angelopoulos - Journal Ta Nea - 25/01/2012 |
Entre
une faillite en devenir et une classe politique en décomposition,
Theodoros Angelopoulos a semble-t-il subi, tout destin mis à part, le
diaphragme mortel ... de nos défaillances systémiques. Ainsi, selon la
presse, (hebdomadaire satyrique To Pontiki – 26/01/2012),
l'ambulance a mis 45 minutes pour se rendre sur le lieu de l'accident,
certains commentaires à la radio, prétendent qu'un premier véhicule est
tombé en panne et c'est la deuxième ambulance qui finalement, a
transporté le cinéaste blessé à l'hôpital, ce qui est impardonnable, sur
une rocade à proximité du Pirée. C'est ainsi que ce dernier grand
appareillage de Theo vers Cythère s'est transformé en «triste affaire».
Le Ministre de la santé, Loverdos a ordonné une enquête, ce même
politicien (P.S.) qui se plaignait au moment du premier mémorandum, de
la … longévité excessive des retraités grecs. Le système de santé comme
le reste est en train de s'écrouler, et l'exception cinématographique
n'a pas pu s'exercer, ni pour Theo Angelopoulos. Paraît-il que les
membres de l'équipe à ce dernier tournage, ont directement téléphoné au
ministre mardi soir, pour accélérer l'évacuation. En vain. Dernier
tournage en somme, au tournant de notre scenario collectif. Après tant
d'années de népotisme, d'argent facile, d'enrichissement aussi de la
part de certains, voilà que les années de la Troïka induisent le coup de
grâce à notre système de santé, car juste derrière Angelopoulos, les
cas anonymes sont légion.
Dans un moment paroxysmique et en rumeurs de toute sorte, un auditeur du mercredi soir a exprimé en direct sur Radio 9 sa version des faits, «Angelopoulos
a été renversé par un policier en moto, en dehors de son service
certes, mais c'est sans doute un complot, un assassinat, car le film
qu'il était en train de tourner, portait sur la crise grecque». Et
la rumeur fait son chemin sur internet, infondée, simpliste et idiote.
Une procédure pour homicide involontaire a été ouverte à l'encontre du
jeune policier qui est consterné (www.tanea.gr – 26/01/2012).
Entre
temps, place de la Constitution mercredi matin il y avait foule. Les
producteurs de la région de Thèbes distribuaient gratuitement oignons et
patates. En moins de deux heures, 25 tonnes ont été distribuées. Les
télés étaient de la fête et les commentaires amers sur notre situation
n'ont pas manqué comme d'habitude. Nos Béotiens nouveaux ont ainsi
offert un échantillon de leur production car ils considèrent que leur
région se trouve diffamée par les médias, considérée comme étant
polluée, donc leur revendication ne semblait pas directement imputable à
la Troïka … pour une fois. Seulement, l'engouement du public, demeure
un fait de notre temps nouveau où tout bascule.
Devant l'hôtel Hilton, manifestants contre la Troïka - Athènes 25/01/2012 |
Selon un sondage publié ce matin (hebdomadaire Ta Epikaira et www.epikaira.gr),
le P.S. grec serait … vaillamment la 5ème force politique du pays, à
12%, derrière la droite dite classique et les trois partis de gauche,
P.C. compris. Mais pour quel intérêt désormais ? Nous nous focalisons
sur l'immédiat, sur nos patates et autres oignons, plutôt que sur le
potentiel potiron au «Parlement». En tout cas, le gouvernement
bancocrate va mal. Une disposition incluse dans une loi contenant le
18ème plan de rigueur, n'a pas été votée, car certains députés P.S. se
seraient rebellés, ce qui a rendu Papadémos très en colère
(hebdomadaire, To Pondiki – 26/01/2012).
Les négociations entre la BCI, le FMI et les «parteners co»
se poursuivent difficilement, sur l'avenir de la dette grecque et
éventuellement ce soir il aura du nouveau, apprend-on dans nos médias.
Certains même, prédisent un défaut de la Grèce d'ici deux, à trois
semaines, et nous ne savons plus si il faut déclencher les chronomètres …
du Grand Trophée. En tout état de cause, la richesse minière et les
gisements d'hydrocarbures du pays seraient à la disposition des
«bailleurs» selon les dernières retouches apportées au Mémorandum III (To Pontiki – 26/01/2012). Point final ? Ce matin, Mikis Theodorakis déclare à la télévision (Ant1), «que les Européens [l'U.E.] nous amènent sur la voie de la violence, nous allons exploser et nos politiciens exploseront eux aussi, avec nous».
Les
représentants de la Troïka quant à eux, ils se sont retrouvés bloqués
mercredi matin dans l'hôtel Hilton, par les manifestants issus des rangs
du P.C. et de son mouvement syndical, PAME. Action plutôt symbolique,
le blocus a été levé rapidement, Hilton apparemment, n'est pas encore le
Palais d'Hiver.
Entre
temps, devant le «Parlement», Eustathios Patsantzis a fait sa
réapparition, invitant les passants à connaître son «parti politique»,
«Croyance Chrétienne». Sans succès, les badauds ont opté d'abord pour
les patates et les oignons des béotiens. Silhouettes et graffiti
athéniens, respectant à peu de chose près le canevas du temps présent.
Devant le «Parlement», Eustathios Patsantzis - Athènes 25/01/2012 |
Comme dans L'autre mer,
le film inachevé de Theo Angelopoulos sur la crise grecque. Car
l'avenir de la Grèce et de l'Europe était, pour lui, bien sombre, nous
rappelle Chloé Emmanouilidis. «L'Europe était un rêve qui s’est
effondré rapidement. C’est l’époque des managers. Vous ne voyez donc pas
comment les premiers ministres dirigent les pays comme des équipes de
football ? […] La situation dans laquelle nous vivons est
effroyable. On a lutté pour des choses qui ne se sont pas réalisées. Je
suis interloqué par la crise économique de mon pays, je ne vois pas
d’issue. J’ai vécu l’occupation allemande et la dictature des colonels,
mais avec la crise je ne vois pas le bout du tunnel. Un siècle s’est
achevé, rempli d’espoir et d’événements catastrophiques», avait déclaré peu de temps avant sa mort brutale, le célèbre cinéaste, lors d’une interview au journal italien Il Messaggero, exprimant «son
amertume et son inquiétude face à crise économique et sociale de son
pays. Une société grecque, en pleine crise existentielle, qui a perdu
ses repères», (http://fr.myeurop.info/2012/01/26/le-triste-testament-de-theo-angelopoulos-4403).
Jean
Rouch, qui a été l’un des pères fondateurs du cinéma direct, fut
également victime d'un accident de la route, mortel, survenu à la tombée
de la nuit, le 18 février 2004, au Niger. «Les Maîtres Fous», plus le destin sans doute … et notre temps finit en poussière.
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Jean Rouch (1917-2004) |
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