Pour sortir des impasses du temps présent, il faut faire retour sur certaines bifurcations, pensé la question de la vitesse et de la vitesse articulée à l’espace.
La rencontre intellectuelle entre Bergson, le penseur du temps, et Einstein, le théoricien de la relativité généralisée, n’a débouché sur rien. Une rencontre ratée. Bergson a compris la relativité du temps vécu, mais pas du point de vue physique.
Ce manque de pensée empêche de voir que nous sommes dans un espace fractal : lorsque la compression temporelle a lieu, la fragmentation de la société qui en est issue fini par créer une société fractale, ce que renforce la globalisation spatiale et temporelle du monde.
Emportés par la vitesse, nous ne voyons plus que devant nous (et encore pas très loin !). Pour regarder les côtés, faire des liens, dans une société complexe, il faut aller plus lentement ou avoir d’autres instruments. Les animaux ont des yeux qui permettent de regarder sur les côtés pour prévenir d’où vient le danger. Et nous ? On peut, comme le propose Paul Virilio, construire une philosophie politique de la vitesse, qui prenne le relais de la philosophie politique de la richesse fondée par les physiocrates et qui demeure encore aujourd’hui la matrice de notre pensée politique, mais complètement décalée de la réalité.
On peut aussi développer notre intelligence sensible, l'instrument c'est "le Wild" (j'emprunte à Thoreau), cultiver le feu souterrain qui coule dans la nature (et donc en nous). Qui jamais ne s'éteint, qui toujours travaille. Une faculté d'incarnation qui puise dans nos ressources anthropologiques, s'ensauvager dans l'étrangement de la chair, ouverture vers d'autres logiques.
C'est une intelligence du temps, des cycles, et des transformations, c'est une communion, et le pendant nécessaire au déficit d'une intelligence rationnelle, séquentielle, qui ayant déclenché un processus a fini par être asphyxié par lui, contraint à vivre dans l'inflation de réalités dites augmentées comme autant de cages à lapins où enfermer la conscience. Le temps du Temps demande notre écoute. On ne cultive pas le sillon en augmentant les doses, mais en aimant le cultiver.